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This article was written in French. An English translation is in progress.

Fantasize to survive

Qu'est-ce qui pousse un adulte à passer ses samedis de grand prix à calculer des moyennes glissantes ? Dans mon cas, la soif de gagner.

L’année dernière, des soucis personnels m'ont contraint à abandonner Fantasy F1 en pleine saison. En 2025, je me suis fixé un objectif improbable : terminer sur le podium de la ligue France.

Qu’est-ce que la Fantasy F1 ?

C’est un jeu où l'on compose une équipe de 5 pilotes et 2 constructeurs avec un budget de 100M. Les points sont attribués selon les performances réelles, et la valeur des assets fluctue au fil de la saison. Six chips permettent de booster ponctuellement son score : No Negative, Limitless, Autopilot, Wildcard, Final Fix et Extra DRS.

Début de saison : Plouf

Premier Grand Prix, premier échec cuisant. 2 DNF, 37 points au total (on s'attend plutôt à des scores entre 150 et 250 points), -1,8 M$ de gain de valeurs, et une modique 13 783e place dans la ligue France pour mon équipe principale. C'était non seulement le pire démarrage de saison que j'avais vécu, mais aussi plus simplement la pire course de ma vie de fantasiste.

À deux doigts de donner à Fantasy rendez-vous à la saison suivante, je me suis souvenu de mon engagement : terminer dans le top 3. Et aussi, naturellement, une citation célèbre m’est revenue en tête.

You gotta remember this is a marathon, not a sprint, so… Gotta be measured… how aggressive we go.

Sir Lewis HamiltonQuelques minutes avant d'appuyer malencontreusement sur un bouton de son volant, puis de sortir de route au redémarrage du Grand Prix d'Azerbaïdjan 2021, à deux tours de l'arrivée.

Alors, tant pis, exit mes équipes Billevesée et Faribole : tout serait misé sur mon équipe numéro 3, Baliverne.

Comprendre pour rebondir

L'algorithme de prix

Après trois rounds, la communauté avait compris la formule utilisée.

C'est-à-dire, le prix par million effectif est égal à la moyenne des points des trois derniers rounds divisée par le prix de l'asset. Ensuite, en fonction de la prestation, la variation du prix s'applique, jusqu'à un minimum de 4,5 M :

PerformanceTier A
≥ 18.5M
Tier B
< 18.5M
PPM > 1.2+ 0.3+ 0.6
0.9 < PPM < 1.2+ 0.1+ 0.2
0.6 < PPM < 0.9- 0.1- 0.2
PPM < 0.6- 0.3- 0.6

Ce que ça veut surtout dire, c'est que le poids d'un score négatif (DNF) s'applique sur trois courses. En maîtrisant ces chiffres, on peut alors savoir exactement combien de points seraient nécessaires pour qu'un asset prenne ou perde de la valeur, avec parfois la certitude qu'un asset prendra le plus gros bonus, ou a contrario le plus gros malus.

Simulateur de prix

Tier A (≥18.5M)
-0.3-0.1+0.1+0.3
Points requis-19-19-117

Surfer sur les vagues

L'algorithme de prix fonctionne par cycles de trois courses, et pour construire son budget, il suffit de sélectionner des pilotes sous-évalués par des DNF quatre courses plus tôt.

La meta pour cette saison était donc :

  • D'avoir une composition avec 3 assets tier A, 5 assets tier B. Soit deux constructeurs tier A + un pilote tier A (DRS) + 5 pilotes tier B en gain de budget, soit un constructeur + deux pilotes tier A, et un constructeur + 4 pilotes tier B en gain de budget.
  • De varier les fillers en profitant des DNF pour les acheter au creux du prix et les revendre au plus haut du prix
  • Cela, pour arriver aussi vite que possible à un budget permettant d'avoir deux constructeurs tier A et deux pilotes tier A
  • Les meilleurs picks tier A cette année étaient MMCL et MMER en constructeurs, PPIA, NNOR, VVER et RRUS en pilotes.

Budget Evolution (M)

Gains et pertes par Grand Prix

Meilleur gain du top 20Meilleur que la moyenneMoins bon que la moyennePerte de budgetBudget top 20

En me comparant à la moyenne du top 20, se dégage une vague loupée, qui m'a obligé à mieux scorer avec moins de budget. En cause, les courses de l'été : Silverstone, Spa-Francorchamps, Hongrie.

Tour de France : re-plouf pour l'été

Chaque week-end de grand prix, je me prends un peu de temps entre les essais libres et les qualifications pour faire du theorycraft de l'équipe de mon choix. Ça prend un peu de temps car il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte, notamment :

  • Les anticipations des vagues de prix pour optimiser les deux changements du week-end en cours pour ne pas me trouver bloqué au prochain grand prix,
  • Mettre en perspective les temps des essais libres et ce qui a été testé (long relais, types de pneus, ajustements entre les séances, performances du coéquipier…)

Silverstone : une pierre argentée dans la mare

Le 6 juillet de cette année, j'étais seul avec mes enfants, et j'ai eu l'idée de leur proposer d'aller sur le bord d'une route pour regarder le Tour de France passer. Ils étaient d'abord réticents, et se sont motivés au dernier moment.

La course de Formule 1 était à 16h, coïncidant avec les horaires de passage de la caravane du Tour de France. Pris dans l’effervescence de ce moment, j'ai totalement oublié d'ajuster mon équipe pour le R12 :

  • HHAD avait surperformé au R9, et allait donc perdre de la valeur au R12 à moins de marquer au moins 12 points, chose très peu probable,
  • OOCO avait surperformé aux R10 et R11, et allait donc gagner de la valeur à coup sûr.

Avant les 3e essais libres, je visais donc de partir avec OBOCO + BEA|+18pts|+1.2M, et me suis retrouvé ce jour-là avec BHBOR + HAD|-40pts|-0.8M (2 × DNF). Une perte sèche de 58 points, de 2 M$, et de toute flexibilité pour le prochain grand prix.

Spa-Francorchamps : la descente aux enfers chez les diables rouges

Le Grand Prix de Belgique, mon préféré de l'année, était donc privé de tout theorycraft. J'avais deux assets dont je n'avais pas pu me débarrasser, HBHAD + BOR, dont je devais absolument me séparer sous peine de perdre de nouveau 1,2 M$. Pour rappel, on a deux changements gratuits par grand prix, et les -20 points des DNF pèsent sur trois courses. Le choix était si limité que j'étais contraint et forcé de faire le changement HBHAD + BOR vers BGBEA + GAS. GGAS est sans aucun doute un de mes pilotes préférés. Mais le sélectionner quand son prix dépasse 4,5 M$ donne toujours des sueurs froides : il pilote le pire baquet de la saison. Et un DNF de ce dernier à la course sprint scellait ce deuxième grand prix d'affilée avec un joli BGBEA + GAS|-7pts|+0.0M.

Hongrie : ciel de traîne d'un été maussade

Troisième et dernière course impactée par le Tour de France, et pour la troisième fois consécutive, mes choix étaient dictés par les variations de budget, non par l'analyse des essais libres. GGAS allait de nouveau perdre de la valeur et ne pas marquer de points, je devais le changer, et pour le manque de trésorerie causé par Silverstone et Spa, la nécessité de garder BBEA alors qu'AALB était un asset à certitude de prise de valeur. Résultat : BLBEA + LAW|-8pts|-0.6M au lieu de AAALB + ALO|+29pts|+1.2M.

Il est très facile de faire ce constat comptable après coup. L’idée n’est néanmoins pas d’affirmer que vouloir faire gagner à mes enfants des casquettes La Vache qui rit et des bobs Cochonou m’a fait à coup sûr perdre 100 points et 4 M$. Le constat est juste que la stratégie de grind de budget se retourne contre nous à la moindre erreur, et qu’un oubli se paie souvent pendant 3 grands prix.

Les courses suivantes, j'ai appliqué la méthode sans faille. Petit à petit, je suis remonté au classement. Et c'est là que j'ai fait un pari.

Verstappen : absolute cinema

Si le Fantasy F1 est un jeu de chiffres, la proximité des prix des assets fait tout le sel du jeu. L’horrible sentiment d’indécision ressenti juste avant, suivi du sentiment de légèreté juste après avoir bloqué son équipe le samedi. Mais à la fin des fins, s’applique la glorieuse incertitude du sport. In fine, les meilleurs moments de la saison sont ceux où on a un pick marginal qui surperforme totalement. Et en termes de pick marginal, ma plus grande fierté est d’avoir anticipé très tôt que VVER allait dominer la fin de saison.

Mis dans mon équipe avec un Final Fix à Baku, il ne l'a ensuite plus jamais quitté. Surtout pas à Sao Paulo quand il faisait 17e des essais libres et 6e des qualifications de sprint, où Verstappen fit la plus belle remontée de la saison (de départ en Pitlane à un podium, VVER×2|+126pts|+0.3M). Pas non plus au Qatar, où la raison aurait voulu que je mette le Extra DRS sur NPNOR + PIA.

En misant tout sur VVER, j’étais, après l'avant-dernier grand prix, 3e du classement France, avec 4 petits points d’avance sur la 4e, et très peu de chances de conserver cette place.

Abu Dhabi : le dilemme final

Pour les amateurs de F1, le Grand Prix d'Abu Dhabi rappelait forcément la course décisive de 2021.

Mais en plus de l’aspect sportif, s’ajoutait encore une fois le contexte de la Fantasy. Car la 4e du classement avait le budget pour sélectionner NVNOR + VER. Ce pick était le choix de rêve pour passer une course sans stress. VVER allait sûrement gagner la course, et NNOR allait sûrement être titré champion du monde. L’un des deux allait sûrement prendre les 10 points de bonus du Driver of the Day. Et j’avais gardé mon Autopilot pour cette occasion.

Ce confort, je n’avais pas pu me l’offrir. Mon budget ne me permettait que de sélectionner NPNOR + PIA ou VPVER + PIA. Et le choix était cornélien :

  • Si VVER gagnait la course, ce dont j’étais persuadé, alors PPIA était en proie aux consignes d’équipe. Par exemple, si LLEC avait pu dépasser NNOR dans le dernier relais, PPIA aurait à coup sûr reçu l’ordre de laisser passer LLEC et NNOR pour sauver le titre de ce dernier.
  • Si, cependant, NNOR gagnait la course, alors il était assuré d’obtenir le bonus du Driver of the Day, scellant mon destin.

Fidèle à mes dernières convictions, j’ai choisi de miser sur le pilote qui m’avait emmené là où j’étais, et j’ai aligné VPVER×2 + PIA|+120pts|+0.2M. Le seul cas plausible qui pouvait me faire conserver ma 3e place était le cas VVER 1er, NNOR 2e, et PPIA 3e. Et, deus ex machina, c’est exactement ce qui s’est produit.

Écart de points vs top 20

Différence cumulée par rapport à la moyenne du Top 20

Bilan

En général, j’utilise le Fantasy F1 pour pimenter des saisons et des courses qui, sans ça, paraissent plus fades. J’ai totalement arrêté de regarder Drive to Survive que je trouve beaucoup trop scénarisé. Et, comme pour l'Advent of Code, je n’ai jamais réussi à fédérer autour de moi une communauté de joueurs réguliers. Mais cette année, il y avait un peu plus en jeu.

Mon classement final est donc le suivant :

  • 3e place dans la ligue France
  • 19e place dans la ligue des fans de LLEC
  • 36e place dans la ligue des fans de FFER
  • 95e place mondiale

Aurais-je pu faire mieux ? Absolument. Mais avec le recul, la première place dans la ligue France était hors de portée, et je n’échangerais les pics d’adrénaline vécus en fin de saison pour rien au monde. Et évidemment, ce goût d’inachevé me donne déjà envie de recommencer l’année prochaine, où l’incertitude sportive sera, cette fois, totale.

Quand je regarde 2025, le fait de me fixer un objectif personnel qui semblait inaccessible au début de la saison, de me donner les moyens de l’atteindre et d’y arriver au finish…

In my personal life, things did not go well for a while. And it was hard to see…

It's just nice to win one.